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Coffee & Cigarettes.
15 avril 2011

Sucker Punch

 

Sucker Punch de Zack Snyder.

sucker_punch

 

Pour peu qu’on aime le style Snyder, la B.A de Sucker Punch ne pouvait que faire des envieux, même si côté scénario on pouvait rester sur nos gardes, craignant le gros délire visuel plat et bourbeux. Verdict, le résultat sur grand écran est… bluffant, Snyder vient tout juste de signer son Inception, mais à voir les quelques critiques incendiaires qu’il a reçu, certains sont complètement passés à côté. [Note : il va sûrement y avoir quelques spoilers, ceux qui n’ont pas vus le film, c’est à vos risques et périls.]

Snyder c’est effectivement un style, aussi bien pour l’esthétique que pour le scénario, il nous l’a notamment démontré dans 300, ou encore dans Watchmen, et ce Sucker Punch n’y fait pas défaut. Aucun rapport avec le studio de développement de jeu-vidéos du même nom (enfin je crois ?), il pond ici son premier film non-adapté, imaginé et retranscrit par sa plume de A à Z, inventant un monde imaginaire plus profond qu’on peut le penser à première vue – il ne faut pas se fier aux apparences.

Certes, le plus flagrant reste ce monde onirique, ces quatre missions que les filles doivent accomplir. Et si on se plait à reluquer ces demoiselles en tenues parfois aussi légères que leur interprétation se battre contre tout et n’importe quoi avec des armes toutes aussi jouissives sous une bande-son monstrueuse, laissant les pauvres héroïnes de Dead or Alive retourner tranquillement aux vestiaires, c’est bien les scènes de combat qui sont mises en avant. Fortement inspirées du jeu-vidéo, avec des séquences filmées façon cinématiques, avec un briefing et quelques recommandations avant chaque mission, avec un objet à récupérer, avec cette réalisation bourrée de ralentis qui décomposent chaque mouvement façon bullet-time ou encore l’apparition de « boss » dans les niveaux, mais ce n’est pas tout. Elles s’inspirent également beaucoup de l’univers manga/fantasy et font référence à quelques décennies d’histoire et de cinéma ; des dragons reposants au milieu d’un château-fort encerclé par des combattants médiévaux jusqu’aux tranchées de la première guerre mondiale au ciel envahi d’avions d’époques et de zeppelin face à des espèces de zombies allemands, en passant par le décor du temple japonais et ses samuraïs géants jusqu’au décor futuriste et ses I-robots (avec, d’ailleurs, un plan-séquence dans le train complètement grandiose), Snyder nous offre un véritable spectacle visuel bourré de références et d’une beauté presque fascinante– petit bonus pour les plus attentifs, outre l’aspect visuel, la réalisation et la mise en scène sont également bien spécifiques.

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Certes, comme certains rabat-joie se plaisent à le rappeler, certaines scènes sont « abusées », rappelons pour leur information que c’est un monde imaginaire, un monde de délivrance, donc que tout est permis et que tout est volontairement poussé dans la surenchère (et dans le cliché, jusqu'aux personnages, les femmes sont très femmes, les hommes sont très hommes) – quand vous vous endormez le soir et que vous rêvez de votre mère qui se transforme en canapé avant de rejoindre Mickey dans un avion en forme de toilettes turques, c’est également « abusé » n’est-ce pas. Et si les post-quarante-huitard sont réticents face à ce délire visuel « cacophonique », on leur répondra que la culture geek est un virage inévitable du XXI° siècle ou l’on s’est déjà engagés, et qu’il doivent laisser leur minitel de côté afin d’accepter à sa juste valeur le potentiel artistique de ce genre d’œuvres.

Concernant l’histoire, le film commence d’abord par une scène d’ouverture absolument géniale montrant notre future Baby Doll, jouée par Emily Browning (mais si, cette fille aux lèvres pulpeuses et au visage de poupée dans Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, ou encore dans Les Intrus, remake du film de Kim Jee-Won) attristée par la mort de sa mère qui tente de… enfin, lisez le scénario, tout est écrit (dois-je appuyer le fait que cette seule scène résume le talent de metteur en scène de Snyder ?). Puis l’action arrive au coeur d’un asile psychiatrique qui se transforme rapidement en bordel aux allures de Moulin Rouge, ou les patientes deviennent des danseuses qui perdent leur identité au profit d’un nom de scène ; Baby Doll, Sweet Pea, Rocket, Blondie et Amber. Leur plan sera donc de s’évader de l’asile en récupérant divers objets, et chacune de ses missions sera donc retranscrite « virtuellement » au travers de ce monde onirique (oui on ne voit jamais notre Baby Doll danser, mais ce n’est ni Black Swan ni High School Musical, s’il faut le rappeler). Et si vous trouvez les dialogues ennuyants, que vous avez envie qu’elles retournent toutes vider des cargaisons de douilles pour ne plus les entendre, c’est que le film de Snyder marche ; vous aussi vous voulez fuir la réalité.

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Quoique fuir la réalité n’est pas ce que montre Snyder, ici c’est bel et bien une bataille pour la réalité par l’imaginaire (ou un combat pour la délivrance, ou pour autre chose selon les niveaux de lecture), non pas l’inverse. Si le film subit un fort rapprochement avec Alice aux pays des merveilles, c’est que Zack offre ici sa version gros calibre de l’histoire de Carroll, tout simplement (outre l’histoire, on retrouve beaucoup d’indices dans le film appuyant cette idée, de l’œil à travers la porte jusqu’au… lapin !).  Un scénario à la structure puzzle qui offre plusieurs niveaux de lecture, les plus malins en trouveront 2 ou 3, mais ceux qui ont su faire attention au twist final pourront aller jusqu’à 4, voire 5, -( ’invite ceux qui n’ont pas compris toutes les subtilités du film et la profondeur du scénario à re-regarder le tout, car Snyder pose des indices dans le regard de ses personnages, dans les décors, la musique (Sweet Dreams, Army of me, Where is my mind ?) les dialogues et même dans les cadrages.

Sans trop dévoiler l’intrigue, il y a quelques questions fondamentales à poser pour comprendre le film; quel monde est réel, qui est le personnage principal et de qui vient ce monde imaginaire ? Mais celle qui me paraît la plus importante serait ; est-ce que le film est aussi linéaire qu’il le laisser supposer ? Si oui, alors que peut-on en déduire ? Que ce n’est qu’une simple évasion et que l’histoire se termine comme ça ? Que l’imaginaire de Baby Doll serait en réalité une forme de métaphore ou elle tenterait de sauver sa sœur par l’intermédiaire de son imagination avant de se faire lobotomiser (le moment de la lobotomisation coïncidant avec le moment ou elle la laisse s’échapper du cabaret - donnant tout son sens à la réplique du médecin) ? Serait-ce son esprit qui divague après la lobotomisation ?

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Le film est régi par, évidemment, un univers imaginaire, mais aussi par des codes théâtraux - la pièce ou se retrouve les filles s’appelle d’ailleurs le « théâtre », un lieu ou elles doivent extérioriser leurs problèmes par le jeu. Scène cruciale, on y voit Sweet Pea, assise sur un lit, en pleine thérapie, on voit son regard plonger dans celui de Baby Doll, on voit ce cadrage avec l’œil de Baby Doll et Blue en arrière-plan parlant de lobotomie… Ecoutez la voix-off de la scène d’ouverture (qui est la même que celle de clôture), vous la reconnaîtrez sûrement, écoutez ce qu’elle dit, et quelle est la première scène du film ? Baby Doll assise sur un lit ? Baby Doll, son nom est pourtant évocateur, son visage aussi, tout, c’est une poupée, un pantin… souvenez-vous de scène à la fin du film ou Baby Doll prononce cette phrase ; « depuis le début, ce n’est pas mon histoire, c’est la tienne », et si c’était tout simplement le twist annonçant que tout ce que l’on vient de voir n’est pas l’histoire de Baby Doll, mais bien celle de Sweet Pea ? Si Baby Doll n’était que son miroir, son ange gardien, en quelque sorte ? Si la scène d’intro était la sienne (après tout, sa sœur, Rocket, meurt aussi dans son monde imaginaire) ? Si tout le film n’était qu’une interprétation de sa thérapie, de son guérissement, de son deuil ? Et si l’évasion, la lobotomie et ces mondes oniriques n’existaient pas et n’étaient que des métaphores pour démontrer l’avancement de sa thérapie ( la première scène du « monde imaginaire » se situe au milieu d’un temple japonais, avec un maître qui dicte la mission de Baby Doll, ça a toujours eu une connotation spirituelle, pourquoi y voir un simple délire Prison Break ?) ? Cette scène finale (le bus), est-elle réelle ou est-ce encore une imagination ? Et si Baby Doll et Sweet Pea n’était qu’une même personne ? Si la scène du bus était en fait le début du film et si cet imaginaire n’était que le rêve qu’elle crée, le temps du voyage ? Ou même, soyons fous, si tout le film était imaginaire et métaphorique, si à aucun moment on ne voyait le « réel » ? Après tout, le film commence avec un lever de rideau… Qui a dit que le scénario de Sucker Punch avait été écrit sur un bout de papier toilette ? À vous de faire votre propre interprétation, « la réalité est une prison, votre esprit en est la clé » !

Snyder vient d’obtenir son passeport pour la cour des grands, ce serait donc dommage de lui claquer la porte au nez parce que vous n'avez pas prit la peine de voir plus loin que l'emballage.

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