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Coffee & Cigarettes.
29 août 2012

The Secret

The Secret de Pascal Laugier.

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Même si certains ne savent pas toujours prononcer son nom correctement, Night Shyamalan est loin d'être un illustre inconnu pour la plupart d'entre nous. Malgré sa perte d'inspiration et d'efficacité depuis 2006, année de sortie de La Jeune Fille de l'eau, le petit indien nous a congratulé de quelques films notables comme Signes, Incassable ou encore Le Village. Cependant, le film qui a donné un bon coup de pouce à sa carrière et lui a permis d'être un cinéaste reconnu reste Sixième Sens, notamment grâce à son désormais culte twist final. Si le film oscille entre le thriller, le drame et le fantastique, il reste encore et toujours un débat pour déterminer si oui ou non Sixième Sens peut être considéré comme un film d'horreur. Mais qu'est-ce qu'un film d'horreur ?

 

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Certains considèrent que l'horreur est à associer au sang et à la violence, voire à un sentiment de répugnance, or ce n'est pas toujours le cas. Si certains considèrent - à tord - que Saw est un film d'horreur, alors qu'il n'est qu'un bête thriller subtilement caché derrière un spectacle de boucherie gratuite, d'autres penseront que les films de zombies ou de boogeyman sont plus appropriés pour entrer dans ce domaine. Qui a raison, qui a tord ?

La thématique de l'horreur englobe tellement de sous-genres qu'il en devient difficile de classifier tel ou tel film, le slasher, le giallo, l'épouvante, les films de zombies/inféctés et même certains thrillers peuvent être considérés comme tel. Si Dario Argento est plus facilement considéré comme un cinéaste d'horreur qu'Hitchcock, il faut toutefois prendre un peu de recul pour comprendre ces différences. Hitchcock est considéré à juste titre comme le maitre du suspens, or du suspens vient la tension, et parfois la peur, comme cette mythique scène de la douche dans Psychose ; partant de ce postulat, faut-il nécéssairement ajouter du sang pour accéder au monde de l'horreur ? Tod Browning a montré avec l'excellent Freaks que ce n'est pas un passage obligatoire (Lynch en a fait de même avec Elephant Man), sa monstrueuse parade provoque chez le spectateur un malaise différent, mais la sensation est la même. Dans un autre registre, Robert Wise et sa Maison du diable avait réussi à créer un climat d'oppression, ne nous lâchant pas d'une semelle du début à la fin du film. La même sensation se retrouve dans La Nuit des morts-vivants de Romero, un huit-clos parfaitement maitrisé, les zombies en plus, preuve que les deux fonctionnent. Notons également que "l'horreur" peut s'appliquer également à divers sujets, comme les animaux (les araignées du Arachnophobia de Frank Marshall - ou dans un style plus SF La Mouche de Cronenberg) ou même les voitures, comme le Christine de John Carpenter. Il peut également prendre différentes tournures, comme le côté fantastique de Shining, ou la comédie/parodie de Braindead et autres Shaun of the dead. Alors que peut-on en conclure ?

 

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En réalité, hors de la classification cinématographique (ou littéraire) qu'on peut attrribuer à chaque oeuvre, il faut se avant tout se pencher sur la notion de peur, de tension, d'angoisse. Si toutes peuvent être complémentaires, le ressenti et le procédé sont différents. La peur est un état émotionnel, qui peut devenir pathologique quand le sujet aborde une phobie particulière chez le spectateur (les araignées, par exemple). Elle est considérée au cinéma comme une "horreur graphique", à savoir des élements qui restent plus ou moins effrayants même sortis de leur contexte. La peur est un sentiment subjectif, chacun ne la ressent pas de la même manière - ce qui explique que L'exorciste, autrefois considéré comme un des plus grands films d'horreur, devient parfois obsolète pour notre génération. L'angoisse quand à elle n'est pas toujours considérée comme subjective. Kierkegaard explique que l'angoisse est l'essence même de l'homme, elle est a différencier de la peur dans le sens ou elle repose sur "nous". Alors que la peur est relative à ce qui nous est extérieur, donc quelque chose que nous pouvons voir ou entendre, l'angoisse nait du fond de notre "moi" intérieur. Par exemple, imaginez que vous traversez un pont suspendu au dessus d'un ravin, vous avez d'abord peur de tomber, de glisser, de mourir, puis de ces possibilités nait l'angoisse, l'angoisse que ces évènements puissent effectivement se produire, sans que vous puissiez les contrôler ou même les deviner.

Pour simplifier les choses, on peut se tourner vers la psychanalyse, notamment avec Freud qui explique que l'angoisse n'est que le signal annonçant un danger. De ce fait, la peur serait donc le danger en lui-même. Voila comment l'on décide, dans la forme, qu'un film est un film d'horreur ou simplement un thriller. Le film d'horreur s'appuie sur des éléments visuels pour provoquer la peur, alors qu'un thriller devra se concentrer sur sa mise en scène pour créer une tension, vous laissant supposer qu'un danger est proche sans nécessairement vous le montrer. Si Sixième sens dispose d'une mise en scène bien meilleure que la plupart des films d'horreur, c'est justement parce que ça n'en est pas un. Il y a toutefois un point qu'il faut éclaircir, c'est le thème du gore. Si le gore peut agréablement se mélanger à l'horreur, le film purement gore n'est pas à mettre dans le registre de l'horreur. Le film gore ne cherche pas à faire peur, bien au contraire, c'est une surenchère sanguinaire pondue dans l'unique but de satisfaire l'amateur de boyaux et d'hémoglobine, il faut donc le voir comme une comédie plus qu'autre chose (il suffit de se tourner vers les innombrables films japonais totalement barés pour le confirmer).

 

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Maintenant, revenons à nos moutons. Si je parle d'horreur et du Sixième Sens depuis le début, c'est parce que sur l'affiche de The Secret est inscrit une citation affirmant que "on a pas été aussi bluffé depuis Sixième Sens". Belle transition, n'est-ce pas. Or, étant donné que Sixième Sens est sans aucun doute l'un des films que j'ai trouvé le plus efficace dans son genre (et dans d'autres genres, on y revient), il est normal que je m'y penche dessus. Et Ô surprise, c'est un réalisateur français qui est aux commandes. Est-ce possible ? Ce serait bien utopique de penser que oui, mais dans le doute.
Pour information, The Secret (ou The Tall Man en version originale) est écrit et réalisé par Pascal Laugier, à qui l'on doit le dérangeant Martyrs qui avait fait son petit effet en 2008.

Autant le dire tout de suite, je n'ai pas vu le moindre rapprochement avec Sixième Sens, je vais donc vite oublier ce coup de marketing relativement osé. Le film commence par nous informer de quelques faits divers concernant des disparitions d'enfants, nous expliquant que certains sont retrouvés, d'autres non, puis il enchaine avec une scène qu'on ne comprend pas (même si la thèse du flashforward nous vient naturellement). Ensuite, le film continue à nous offrir des scènes qu'on ne comprends toujours pas vraiment, on essaie de relier les bouts, on se demande pourquoi certaines personnes réagissent de cette façon etc.

 

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En réalité, le film est bien moins linéaire qu'on le pense, Pascal Laugier s'amuse régulièrement à tordre les ficelles du scénario, nous laissant dans l'incapacité de deviner comment le film va se poursuivre dans la prochaine séquence. Un scénario qui d'ailleurs semble assez banal dans la forme, mais reste étonnament solide en plus d'être assumé avec autant d'audace que de maitrise. Des histoires de vengeance, de légendes, du drame psychologique, de la violence physique, de la critique des différentes classes sociales jusqu'au thème de l'adolescence difficile ou de la maternité en passant par la notion de sacrifice, le film ne va cesser de jongler entre les thèmes et les points de vue des différents protagonistes pour continuer à brouiller les pistes jusqu'à l'arrivée du joli twist annonçant le début du second acte. Un second acte intéressant ou l'histoire prend un nouveau tournant, la lecture du film se renverse, et Laugier continue d'entretenir un certain doute quand à la finalité du récit. C'est finalement lors des dernières minutes que toute l'histoire va s'éclaircir, révélant la véritable machination qui se cache derrière ce petit jeu de rôle. Le seul défaut qu'on peut trouver à ce dernier acte c'est son explication qui reste tout de même un peu trop poussive. Mais la qualité de la mise en scène qui l'accompagne, le travail scénaristique de l'ensemble et la formidable prestation de Jodelle Ferland - les trois dernières minutes du film sont fabuleuses - nous font vite oublier ces petits aléas de parcours.

 

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Côté technique, Pascal Laugier nous l'a montré avec Martyrs, c'est du bon, surtout pour un français ! Si la mise en scène est efficace sans être tapageuse ou trop étouffante, la plus grosse qualité vient certainement de l'image. La réalisation est superbe en plus d'être appuyée par un montage de grande qualité, en témoigne les quelques panoramiques finement cadrés, les quelques plan-séquence bien chorégraphiés (et qui n'ont pas du être facile à tourner pour certains, comme cette scène ou le cadreur suit Jessica Biel, monte dans un taxi avant qu'un mec ne lance une pierre dans la vitre arrière, ça ne parait pas, mais ce n'est pas rien), sans compter les divers plans aériens, la scène de "duel" avec le chien, les scènes de lynchage, de torture, ou simplement le travail que fait la caméra pour appuyer le ressenti des protagonistes, on ne peut que saluer la performance.

L'autre performance qu'on peut saluer est celle des acteurs. Si Jessica Biel, présente actuellement au casting de Total Recall, n'est pas une actrice que j'apprécie particulièrement, il faut admettre qu'elle est relativement brillante dans ce rôle. Tout comme Jodelle Ferland, la petite de Silent Hill qui nous offre de jolis monologues en voix-off et arrive à être intensément crédible même sans dire un mot. Les autres acteurs ne sont pas en reste, de manière générale tout le casting est crédible dans son rôle, que demander de plus.

 

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Bref, The Secret est un film étonnant. À première vue il ne parait pas très captivant, puis au fur et à mesure il devient intéressant pour finalement être une belle surprise quand on le regarde avec un peu de recul. Bien filmé, bien joué, scénaristiquement imparfait mais suffisamment satisfaisant pour avoir la monnaie de sa pièce, sans doute l'une des meilleures production française de cette année - même si la production n'est pas complètement française, on s'est compris. Il faut toutefois noter que ce n'est en aucun cas un film d'horreur, ceux qui s'attendent à voir un film à la Martyrs se trompent, vous êtes prévenus. À voir en V.O, de préférence.

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