Hitchcock

Hitchcock de Sacha Gervasi.

Lincoln, J.Edgar, Steve Jobs, Gainsbourg, Mozart, Senna, Ian Curtis, Jake LaMotta et bientôt Laurent Delahousse, si les grands noms de l'histoire ont eu droit à un film racontant une page de leur vie, il est normal que le nom d'Hitchcock apparaisse sur la liste. Car Hitchcock c'est un cinéaste qui a façonné une partie du cinéma avec son sens de la narration, son style visuel, sa gestion de la lumière et des cadres, ses blondies, son effet Vertigo (le fameux mouvement de caméra qui combine zoom et travelling présent dans Vertigo) et j'en passe, mais c'est aussi un homme, comme Sacha Gervasi nous l'explique. Plus ou moins.

Hitchcock s'attarde sur le tournage du film Psychose, de sa génèse à sa projection en salle, il nous montre l'envers du décor et toutes (ou presque) les démarches que le réalisateur a du faire pour arriver à ses fins, quitte à ruser un peu (comme les scènes d'affrontement entre Alfred et les censeurs). Mais le film lève également le voile sur la vie personnelle d'Hitchcock, sa relation avec le cinéma, avec la gente féminine et tout particulièrement avec sa femme qui semble en prendre pour son grade. L'ennui c'est que les deux points de vue ne sont pas tellement équilibrés, en témoigne le pseudo-flirt entre Alma (la femme d'Hitch) et un autre homme dont on se cogne royalement et qui n'apporte rien à l'histoire, si ce n'est une tentative ratée pour apporter une trame dramatico-romantique à l'ensemble. Finalement tout ce qui nous intéresse c'est les préparatifs du tournage, le tournage en lui-même, la façon dont Hitchcock dirige ses acteurs et bien évidemment les coulisses de la scène de douche qu'on attend impatiemment.

Comme beaucoup, j'imagine, je ne connais pas le personnage d'Hitchcock autrement que par sa filmographie, le film de Gervasi semblait donc être une bonne solution pour en apprendre un peu plus sur l'homme qui parle à l'oreille des... de je n'sais quoi mais qui parle, en tout cas. Mais l'éternelle question relative au biopic est toujours présente ; est-ce que tout ce qu'on nous raconte est la pure vérité ? J'admets avoir été légèrement surpris de voir Anthony Hopkins jouant un Hitchcock de façon très théâtrale (trop, à vrai dire), un Hitchcock à la bouche en cul-de-poule un peu pervers sur les bords, un Hitchcock psychotique qui s'invente un serial-killer imaginaire à l'occasion et qui laisse sa femme prendre les commandes de son plateau. Est-ce le vrai Hitchcock ? Aucune idée, mais forcés de constater que la partie cinéma est bien plus réussie - et même plus intéressante - que la partie personnelle, on reste légèrement sur sa faim. De plus, le scénario semble faire l'impasse sur des détails qui, à mon sens, sont cruciaux - montrer et expliquer comment et pourquoi Hitchcock a choisi ce livre est un détail, mais c'est peut-être le plus intéressant.

Malgré une bonne équipe technique (Jeff Cronenweth, directeur photo de David Fincher, John J. McLaughlin, scénariste de Black Swan et Danny Elfman), des bonnes lignes de dialogue, une dose d'humour (pas assez, certainement), une bonne photo, un bon montage, de bons acteurs (Helen Mirren vole carrément la vedette à Hopkins, disons le), le tout ne décolle pas vraiment, aucune scène culte ou bêtement mémorable à l'horizon, une construction trop classique, des thèmes trop peu approfondis, un traitement psychologique des (ou du) personnages quasi-inexistant, des seconds rôles délaissés, tout semble n'être que la surface d'une biographie Hitchcockienne mais sans le fond, et malgré les quelques informations qu'on peut apprendre sur lui dans le film, on préfèrera re-re-regarder Psychose plutôt que de s'attarder sur ce biopic aux airs de comédie romantique douteuse.

Bref, le film de Gervasi ne restera pas dans les mémoires, aussi vite digéré qu'oublié, on est déçu de constater qu'aussi peu de choses peuvent être dites sur l'un des plus grands maitres du cinéma. Ah, j'oubliais, il y a Scarlett. Donc.