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Coffee & Cigarettes.
20 janvier 2013

Django Unchained

Django Unchained de Quentin Tarantino.

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Quentin Tarantino, l'homme qui rêvait d'être acteur comme Travolta et qui finalement devient le cinéaste de génie qui relance sa carrière en 94 avec Pulp Fiction. Les scénarios torturés, les lignes de dialogues et punchlines dantesques, les personnages atypiques, la caméra planquée dans un coffre de voiture, le chapitrage des séquences, le choix de la bande-son, la violence, la pop-culture, les références cinématographiques, les paquets de cigarettes Red Apple et j'en passe, tant d'éléments qui ont permis au fil du temps de créer ce qu'on appelle aujourd'hui le Tarantinesque, un terme souvent utilisé de manière caricatural, mais qui montre que le Quentin a su créer un style et un language cinématographique qui, bien qu'il soit extrêmement référencé et inspiré par d'autres cinéastes, lui colle à la peau.
Car Tarantino est une des icônes cinématographiques de notre époque, acteur, scénariste, réalisateur, producteur et cinéphile accompli, il n'a cessé de se renouveller lui-même pour le plaisir de tous et aussi pour le sien; Le huit-clos déroutant de Reservoir Dogs, petite perle en terme de contruction et de mise en scène malgré les moyens dont il disposait à l'époque, le Any of you fuckin' pricks move and I'll execute every one of you motherfuckers ! précédant le désormais culte générique sous fond de Misirlou de Pulp Fiction, toujours un bon exemple d'écriture et de mise en scène, l'hommage à la blaxploitation avec Jackie Brown, moins violent et plus classique dans sa construction, l'hommage aux films d'arts martiaux asiatiques avec Kill Bill porté par l'excellente Uma Thurman, le petit tour dans le monde du comics avec Sin City, l'hommage aux films d'exploitation avec Death Proof et enfin le film de guerre avec Inglourious Basterds, Tarantino peut se vanter d'avoir une diversité cinématographique notable. Et ce n'est pas terminé, si l'on pourrait ajouter à la liste le film fantastique d'Une nuit en enfer, le thriller romantique de True Romance ou encore le film à sketches de Groom Service, c'est aujourd'hui au tour du western d'en prendre pour son grade, rien d'étonnant lorsque l'on sait que Tarantino place The Good, the Bad and the Ugly en tête de ses films favoris. Petit cours d'histoire.

 

 

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Le western trouve sa source au fin fond de l'histoire des Etats-Unis avec la conquête de l'Ouest, la guerre de Sécession ou encore les guerres indiennes du 19° siècle, cette époque ou les Lonesome Cowboys jouant de l'harmonica n'étaient que de bêtes vachers sans prétention. D'ailleurs avant d'être porté au cinéma avec plus ou moins de réalisme, le Far West était un sujet de littérature (comme le célèbre roman de James Cooper; Le Dernier des Mohicans), ou encore un sujet à spectacle (comme le Wild West Show de Buffalo Bill - qui prêtera plus tard son nom à un restaurant qui fait des steaks de qualité). Ce n'est que plus tard que le Far West intéressera l'industrie du cinéma, s'inspirant de nombreux évènements comme la fusillade d'OK Corral ou les attaques du Wild Bunch, et de nombreux personnages, de Jesse James à Billy the Kid. L'histoire du western au cinéma débute donc son long périple avec le film d'Edwin S. Porter, The Great Train Robbery, tourné en 1903 et considéré comme le tout premier western américain, puis continue sa route valsant entre la comédie, le burlesque, le mélo-drame... jusqu'à l'arrivée de John Ford avec La Chevauchée fantastique et autres John Wayne, Gary Cooper et Lee Marvin qui feront sortir le Far West du monde de la série B. Mais ce qui nous intéresse ici, et ce qui a intéressé Tarantino pour Django Unchained c'est le western spaghetti, un genre nouveau qui a fait son arrivée dans les années 60 en Italie, sous la tutelle d'un certain Sergio Leone (même s'il ne peut être considéré comme son créateur) à l'époque ou le western manquait de souffle.

 

 

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Contrairement au western classique, le spaguetti ne cherche pas à glorifier l'image et les valeurs de la nation américaine, il n'y a pas de mythe, pas de gentils, pas de morale et la loi ne triomphe pas sur le mal, ici c'est chacun pour soi et si t'as pas de flingue, tu creuses. Massacrant le côté manichéen du western au profit de personnages plus complexes, le spaguetti a permis de renouveller le genre (laissant la place à Eastwood et compagnie quelques années plus tard) autant par son écriture que par sa réalisation - le format étiré de l'image, la profondeur de champ (avec des gros plans et des panoramiques juxtaposés), les plans filmés au travers de trous ou de fentes ou encore les "supers" gros-plans (des inserts, en fait) montrant juste un oeil ou une bouche - , la mise en scène (les décors minutieusement travaillés qui deviennent à l'occasion de véritable "personnages", comme la gare de Il était une fois dans l'Ouest ou le cimetière de Le bon, la brute et le truand, tout comme les objets comme le cigarillo de Blondin ou le fameux harmonica), le montage (l'arrivée de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest en est un parfait exemple), sans oublier la musique car le western, avec l'aide d'Ennio Morricone, a offert au septième art quelques-unes des plus belles bande-originales qu'il nous a été possible d'entendre.

Aujourd'hui, Tarantino rend un hommage à Panzani avec Django Unchained, dont le titre même du film s'inspire du Django de Sergio Corbucci (notons pour l'anecdote que Takashi Miike a réalisé Sukiyaki Western Django, préquelle du film de Corbucci dans lequel Tarantino joue un petit rôle) et on l'attendait de pied ferme après la semi-déception d'Inglorious Basterds. J'insiste sur terme "hommage" car le film à parfois été vendu sous l'étiquette western ou western-spaguetti au travers des divers articles et critiques journalistiques mais il n'en est rien. Django emprunte quelques codes au genre mais ça n'en fait pas un western pur et dur pour autant, disons simplement que c'est un westaran... un tarantwes... un western à la Tarantino quoi, il n'y a pas d'autre mot. Prenez un peu de spaguetti, ajoutez-y un peu de Kill-Bill, un peu de l'esprit Grindhouse, un peu d'Inglorious Basterds et vous obtenez Django Unchained, le film jouissif qu'on attendait.

 

 

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Pour l'histoire, Tarantino nous fait remonter le temps jusqu'en 1858, avant que la guerre de Sécession ne débute, et dévoile son récit au travers d'un ex-dentiste deutsch chasseur de prime accompagné de son valet, Django, un esclave qu'il va prendre sous son aile afin de le former et de l'aider à retrouver sa femme. Tarantino continue donc le périple commencé il y a quelques années avec Inglorious en modifiant l'histoire, cette fois ce n'est plus les juifs qui prennent le pas sur les allemands mais le nègre à cheval qui tient tête aux blancs, le tout bouclé dans une histoire qui laisse de côté la construction puzzle d'un Pulp Fiction pour offrir une narration un peu plus linéaire, mais suffisamment originale et audacieuse pour faire mouche. Si certains peuvent y trouver un côté manichéen, il faudra peut-être prendre un peu de recul pour remarquer que personne n'est réellement bon ici, les questions morales sont bien présentes mais, hommage au spaguetti oblige, c'est la loi du plus fort qui est maitre. Oscillant entre le comique et le dramatique, entre l'horreur et l'hilarité, le film nous embarque dans le voyage initiatique de Django en nous balançant régulièrement du fun, sans pour autant manquer de respect au sujet qu'il aborde. Car si l'on trouve dans Django Unchained une toile de fond sur l'esclavagisme, des scènes traitant l'inhumain sans prendre de pincettes (du combat à mort chez Candie jusqu'à l'évadé qui se fait bouffer par les chiens) ou encore une parodie du Ku Klux Klan balancée au travers d'une scène dantesque et déjà culte, il faut tout de même préciser que ce n'est ni un film drôle (même si l'humour est bien présent), ni un film historique pur et dur (il n'a jamais vraiment voulu l'être d'ailleurs), et encore moins un film politique, alors messieurs les journalistes, restez dans vos cinéma d'art et d'essai plutôt que d'aller voir un Tarantino, ça vaudra mieux pour tout le monde.

 

 

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Car Tarantino, on le sait, il aime s'amuser. Il s'amuse avec son public car il sait qu'il le contrôle, on peut donc passer d'une scène intense, dramatique ou émotive à un fou-rire en trois secondes. Sur ce point Tarantino reste encore un metteur en scène hors-pair, l'équilibre entre le ton grave du sujet et l'humour plus ou moins noir est parfait, et même si quelques scènes auraient pu être raccourcies pour éviter les longueurs, on ne voit pas le temps passer. Il s'amuse aussi avec le cinéma en défonçant les codes du genre. L'esprit de surenchère propre à Cutie est bien présent, des quelques litres d'hémoglobine accompagnant les coups de feu jusqu'au petit caméo en fin de film, sans oublier le léger cabotinage des acteurs pour faire joli, pas de doute, on sait qui est derrière la caméra. Il s'amuse avec l'image, aidé à la photo par Robert Richardson qui a bossé dans le passé pour Scorsese ou Oliver Stone. Des champ-contrechamps dynamisant les scènes de dialogues jusqu'au travelling épique d'une chevauchée fantastique, des travellings optiques pour appuyer le côté série B jusqu'aux jeux d'ombres pour faire du faux hors-champ, visuellement c'est superbe sans pour autant paraitre superficiel. Et il s'amuse également avec la musique car on le sait, un Tarantino c'est aussi une bande-son über-classieuse. Car si le bougre s'est payé le luxe d'avoir Ennio Morricone et autre Luis Bacalov dans sa tracklist, il a également assez de couilles pour placer du 2Pac dans un western. La B.O de Django s'est même placée devant le dernier album de Céline Dion, c'est dire que... oui, Céline Dion vend toujours des disques. Apparemment.

 

 

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Et bien sûr l'ultime qualité du film, et non la moindre, repose sur cette palette d'acteurs grandioses. De l'excellent Jamie Foxx au charisme dégoulinant et aux costumes improbables jusqu'à l'accent germanique savoureux de Christoph Waltz qui lui volerait presque la vedette, en passant par un Leonardo DiCaprio toujours meilleur à chaque film qui campe ici avec brio un personnage aussi distingué qu'impitoyable et qui, à lui seul, porte toute la seconde moitié du film, sans oublier l'improbable Samuel L.Jackson, lui aussi excellent dans son rôle d'esclave vieillissant. Un casting de grande qualité soulevé par des lignes de dialogues fort bien écrites (le phrasé de Schültz, les punchlines de Django, le dialogue entre Schültz, Django et Candie...), voila ce qui fait de Django Unchained un brillant hommage au western autant qu'au cinéma en lui-même. Et accessoirement un film culte.

 

 

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Bref, si on devait trouver un défaut à Django, on se pencherait sur cette mise en scène qui, à quelques rares moments est soumise à une légère baisse de rythme. On pourrait se plaindre de la présence de Jonah Hill, d'un plan honteusement monté à l'envers ou au contraire se réjouir que Will Smith et Lady Gaga, préssentis pour incarner respectivement Django et Lara Lee Candie-Fitzwilly, ne fassent pas leur apparition. Certains pourraient regretter également que le film, même s'il ne le sacrifie pas pour autant, ne traite pas son sujet en profondeur. Pourtant la vision de Tarantino est belle et bien inscrite dans la narration, plus ou moins subtilement, l'exploit c'est d'arriver à vendre du rêve en partant d'une histoire qui en est dénuée, de nous faire rire de choses qui ne sont pas drôles tout en montrant plein cadre le caractère inhumain qui régnait à l'époque, de traiter l'absurde et l'horreur avec humour et un poil d'extravagance. Si Tarantino montre ici plus que jamais son côté humain en s'attardant sur l'inhumanité, Django Unchained utilise une portion de l'histoire pour la montrer du doigt, il s'en moque sans pour autant la banaliser, comme si le cinéma faisait justice à l'homme, au moins le temps d'un film. N'est-ce pas ça, la beauté du cinéma ?

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